Les indispensables réformes de l'économie chinoise
LEMONDE.FR | 29.02.12 | 12h32
La Chine a atteint un tournant dans son développement économique et va devoir mettre en œuvre de profondes réformes, avec un rythme de croissance qui va diminuer de près de moitié en vingt ans, estime la Banque mondiale dans un rapport établi en collaboration avec un think tank étatique chinois.
Le président de la Banque mondiale, Robert Zoellick, a présenté lui-même cette étude, lundi 27 février. Le vice-président Xi Jinping, qui devrait, sauf coup de théâtre, prendre les reines du pays en mars 2013, et le vice-premier ministre Li Keqiang ont annoncé qu'ils le soutenaient.CHANGER DE MODÈLE
Pour élargir ces perspectives de croissance, l'économie chinoise ne peut plus seulement compter sur ses exportations et ses investissements massifs, a affirmé lundi M. Zoellick, selon qui "le modèle de croissance actuelle du pays n'est pas soutenable." Il préconise donc, notamment, de réduire la taille du secteur étatique et de mettre fin aux situations de monopole dans des secteurs stratégiques (automobile, énergie, finance, télécommunications).
Plus de dix ans après l'accession de la Chine à l'Organisation mondiale du commerce (OMC), les entreprises d'Etat profitent toujours des restrictions aux investissements étrangers dans ces secteurs. Elles profitent aussi de financements avantageux, tandis que leurs concurrents étrangers se plaignent d'un manque de transparence dans l'accès au marché chinois.
>> Lire notre décryptage : "Pékin a bien profité de son adhésion à l'OMC" (lien abonnés)
"Souvent, ces entreprises ne se posent pas la question de savoir si elles sont rentables ou non," analyse Danielle Schweisguth, économiste à l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE). "Elles ont un accès quasi-garanti aux finances de l'Etat", ce qui n'encourage pas la recherche de l'efficacité et pèse sur l'économie chinoise.
La Banque mondiale et ses partenaires chinois renvoient l'essentiel de ces réformes à la fin des années 2020, mais de premières "victoires rapides" sont encouragées à court terme, pour le début de mandat de M. Xi Jinping. Il s'agira notamment d'augmenter les dividendes versés par les entreprises publiques, afin d'aider à financer les dépenses sociales.
Deuxième axe de ce rapport : les dirigeants chinois devraient cesser de mettre l'accent uniquement sur les aspects quantitatifs de la croissance pour prendre également en compte ses aspects qualitatifs. La Chine a déjà cessé d'évaluer ses performances en gardant l'oeil rivé sur le compteur du pourcentage annuel de croissance. Son plan quinquennal en cours, le douzième, affiche un objectif de 7 %, "mais sans en faire un absolu indépassable", précise Fabienne Clérot, chercheuse à l'Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS). Il s'agit également de faire en sorte que les Chinois consomment, afin qu'ils compensent le ralentissement des ventes à l'étranger. La Banque mondiale en fait un impératif pour l'avenir de l'économie chinoise.
Pour cela, l'Etat devra augmenter les salaires (lien abonnés) et mettre en place un système de sécurité sociale, qui permettrait aux Chinois, selon Danielle Schweisguth, "de ne pas mettre de côté 50 % de leur paye pour le jour où ils auront besoin d'être hospitalisés". Fabienne Clérot relève également la nécessaire réforme du "hukou", le permis de résidence qui prive les migrants chinois d'une partie de leurs droits s'ils vont chercher du travail dans d'autres provinces sans autorisation. Selon la chercheuse, "environ un quart de la population de Shanghaï serait ainsi constituée d'ouvriers qui n'ont pas accès légalement aux hôpitaux ni aux écoles. Cela créée une société à deux vitesses" dans laquelle les moins favorisés offrent, certes, une main d'œuvre bon marché, mais ne tirent pas la consommation vers le haut.
LE RÔLE DU PARTI PASSÉ SOUS SILENCE
Parmi les autres recommandations permettant une croissance "durable" à la Chinoise, le document appelle à renforcer l'innovation, à améliorer la protection sociale et les incitations pour protéger l'environnement, ainsi qu'à une meilleure garantie des droits sur la terre des paysans.
Reste une inconnue dans cette série de réformes libérales : le rôle du parti. Rien n'est dit des nominations officielles de dirigeants des entreprises d'Etat ni de la formation des politiques monétaires au sein du parti avant leur transmission à la Banque de Chine.
M. Zoellick, qui a proposé ce rapport commun aux dirigeants chinois à la fin de l'année 2010, selon le Wall Street Journal, n'a pas souhaité aller jusque-là : "Je m'attends à ce qu'on voie la nouvelle génération de dirigeants expérimenter avec ces idées", déclarait-il lundi.
Louis Imbert, avec agences
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