quarta-feira, 5 de fevereiro de 2014

Une adolescente sur cinq a déjà tenté de se suicider


Le Monde.fr |         




Selon les premiers résultats d'une enquête épidémiologique, les tentatives de suicide chez les jeunes filles connaissent une hausse inquiétante.

A 15 ans, près de 21 % des filles et près de 9 % des garçons ont déjà tenté de se suicider. La revue de formation médicale Le Concours médical, dans son numéro de janvier, dévoile les premiers résultats d'une enquête épidémiologique menée conjointement par la faculté de médecine et l'Institut universitaire de santé public de Poitiers et l'Observatoire régional de la santé d'Alsace. Des résultats inquiétants qui légitiment l'organisation, pour la dix-huitième fois consécutive, d'une journée nationale de prévention du suicide, mercredi 5 février.

En juin 2012, 1817 jeunes de 15 ans tirés au sort, dans 171 établissements scolaires des régions Poitou-Charentes et Alsace, ont répondu à un long questionnaire de 88 questions sur la santé, au milieu duquel étaient glissées ces questions : « Au cours de ces douze derniers mois, as-tu tenté de te suicider ? Au cours de ta vie, combien de fois as-tu tenté de te suicider ? ». Les jeunes filles interrogées ont donc été précisément 20,9% à répondre qu'elles avaient bien fait une tentative de suicide (TS), les garçons 8,8%. Et les résultats ont été très similaires en Poitou en en Alsace.
« Le niveau atteint, au dessus de la barre des 20%, et l'augmentation des tentatives de suicide chez les jeunes filles est très impressionnante », insiste le docteur Philippe Binder, médecin généraliste, responsable d'une consultation pour ados à l'hôpital de Rochefort (Charente-Maritime), et maître de conférences à l'université de Poitiers. « Je peux vous dire que je n'ai pas bien dormi le jour où j'ai eu ces résultats. Imaginez, sur cinq jeunes filles que vous croisez dans la rue, l'une d'entre elles a tenté de mettre fin à ses jours… ». Lors d'études précédentes comparables, les adolescentes de 15 ans avaient été 9%, en 1993, à auto-déclarer une TS, et 14,6% en 1999. Chez les jeunes garçons, la progression (4% en 1993, 7,5% en 1999, 8,8% en 2012) est plus lente et semble plafonner.
QUE SIGNIFIE VOULOIR MOURIR À 15 ANS ?
Ces premiers résultats ont été rapidement rendus publics du fait de leur caractère alarmant. « Ils confirment les données hospitalières d'augmentation des admissions d'adolescentes pour tentatives de suicide. Leur âge moyen ne cesse de diminuer. Dans mon service, il est passé de 17 ans à 15 ans en vingt ans », remarque également Xavier Pommereau, psychiatre spécialiste des adolescents en difficultés, qui dirige le pôle aquitain de l'adolescent, au CHU de Bordeaux, et a coordonné ce numéro du Concours médical consacré à la dépression de l'adolescent.
Ces nouveaux chiffres doivent pourtant être maniés avec précaution, avertissent les auteurs de l'enquête. Ils suscitent en effet autant de craintes que d'interrogations. La part des moins de 24 ans dans les suicides reste faible - 4,8%, selon l'Inserm. En 2011, sur les 10 524 morts par suicide en France, 508 avaient moins de 24 ans. Que signifie réellement vouloir mourir à 15 ans ? Quels actes sont considérés par les jeunes comme devant, pouvant mener au décès ? « Une jeune fille avale une boîte entière de Doliprane, poursuit le docteur Binder. Mourir, dormir, elle ne sait pas bien ce que ça donnera… »
La représentation du suicide est elle-même peut-être en train d'évoluer, les jeunes filles déclarant davantage leurs scarifications profondes comme relevant d'une volonté suicidaire. Cependant, dans le questionnaire, une question sur les scarifications était posée avant celle sur le suicide, qui devait permettre au répondant d'opérer le distinguo – presque un tiers des jeunes filles ont d'ailleurs répondu qu'elles avaient déjà tenté de se blesser volontairement, par coupures, coups ou griffures…
LA FRANCE PARTICULIÈREMENT TOUCHÉE
D'autre part, pourquoi une évolution du sens donné au mot « suicide » ne concernerait-elle que les filles ? Et s'il est moins difficile aujourd'hui que par le passé de déclarer une tentative de suicide, pourquoi les garçons garderaient-ils davantage de réticences ? Pourquoi, enfin, la France semble-t-elle particulièrement frappée par ce phénomène ? Aux Etats-Unis par exemple, les jeunes filles de 16 ans ne sont que 5% à reconnaître avoir voulu mourir.
Quoi qu'il en soit, il est urgent, à en croire le docteur Binder, de lancer une étude spécifique. « Ces jeunes filles ont, en tous cas, vécu une détresse telle à un moment donné qu'elles sont capables, a posteriori, de dire qu'elles ont essayé de mourir. Que ce soit vrai ou imaginaire, cela traduit quelque chose, qu'il faut creuser. Qu'est ce que cela veut dire, dans notre société, qu'autant de jeunes filles veuillent mourir ? »
Pour Xavier Pommereau, les filles qui vont mal retournent la violence contre elles, quand les garçons s'en prennent à la société, par des actes délictueux. Mais globalement, « un nombre très important de jeunes est en désespérance. Je l'évalue à un sur sept ». « Ils sont plus stressés, plus inquiets de l'avenir, en difficulté pour se sentir exister, pour affirmer leur identité, parce qu'ils ne sont pas étayés par le groupe, parce qu'ils manquent d'appartenance sociale et idéologique, parce qu'ils sont de plus en plus renvoyés à eux-mêmes pour se définir. Certains ados, les plus démunis, ne veulent pas de ce combat. » Des adolescents miroirs des angoisses de leurs parents, d'une société en état de stress, résume le psychiatre.
Tentatives de suicide, scarifications, comas éthyliques… Toutes ces pratiques se répandent, s'alarme-t-il, et sont de plus en plus banalisées par les adultes. « Aux urgences, qui sont surchargées, on laisse repartir avec ses parents, sans bilan psychologique, la jeune fille qui a avalé une demi-boîte de comprimés, mais qui n'est que somnolente, pas comateuse, et tient à peu près sur ses jambes. Avec cette croyance erronée selon laquelle celui qui n'est pas mort ne voulait pas vraiment se tuer. C'est une erreur ! Le risque de récidive est majeur quand la souffrance n'est pas reconnue. »
Même banalisation pour les comas éthyliques traités comme de simples « cuites ». « Or se saouler à ce point, comme avaler des cachets, montre une même volonté d'arrêter de souffrir, de mettre sa vie entre parenthèses. Quand on prend la peine d'interroger ces jeunes, d'ailleurs, ils avouent qu'ils ne vont pas bien », assure le docteur Pommereau. Face à cette poussée inquiétante des passages à l'acte chez les tout jeunes, le psychiatre lance un appel aux parents. Ils doivent aider leurs adolescents à se sentir exister en leur confiant des responsabilités, en les rendant plus acteurs, moins consommateurs. En leur donnant une place.

Nenhum comentário: